
L’intelligence artificielle, déjà utilisée depuis de nombreuses années, s’impose ainsi progressivement comme un acteur incontournable du système éducatif français.
Quels bénéfices tirer de l’IA pour l’éducation ?
L’enjeu est de tirer le meilleur parti de ces nouvelles technologies afin de gagner du temps, de fluidifier les tâches administratives, d’optimiser l’apprentissage des élèves, ou de faciliter le quotidien des enseignants, notamment.
Comment les institutions éducatives appréhendent-elles le sujet de l’IA ?
En France, les pouvoirs publics ont entrepris depuis plusieurs années d’intégrer l’IA dans le système éducatif. Le ministère de l’Éducation nationale a ainsi lancé diverses initiatives visant à accompagner cette transition numérique, tout en veillant à préserver les valeurs fondamentales de l’école républicaine (site du ministère de l’éducation nationale : https://www.education.gouv.fr/cadre-d-usage-de-l-ia-en-education-450647)
Plusieurs académies expérimentent actuellement des outils d’IA pour assister les enseignants dans leurs tâches quotidiennes : correction automatisée de certains exercices, personnalisation des parcours d’apprentissage, ou encore détection précoce des difficultés scolaires. Ces dispositifs ne visent pas à remplacer l’enseignant, mais plutôt à lui libérer du temps pour se concentrer sur l’accompagnement pédagogique individuel (site de l’académie de Paris : https://www.ac-paris.fr/l-intelligence-artificielle-dans-l-education-130992)
Sur le terrain, plusieurs types d’outils d’IA commencent à émerger dans les établissements français, notamment les assistants d’apprentissage adaptatifs, qui ajustent le niveau de difficulté des exercices en fonction des performances de chaque élève. Ces systèmes permettent une différenciation pédagogique que les enseignants peinent parfois à mettre en œuvre dans des classes surchargées.
Les plateformes de soutien scolaire en ligne intègrent également des algorithmes d’IA pour identifier les lacunes spécifiques de chaque élève et proposer des contenus ciblés. Dans l’enseignement des langues, les outils de reconnaissance vocale permettent aux élèves de pratiquer l’oral de manière autonome, avec un retour immédiat sur leur prononciation.
Certains établissements explorent aussi l’utilisation de l’IA pour la gestion administrative : assistance à la rédaction de notes, de courriers, de comptes rendus, de synthèses, à la transcription de réunions, à la traduction, ou à l’automatisation de tâches.
Quels sont les défis liés à l’intégration de l’IA dans le système éducatif ?
L’IA générative présente de nombreux défis aussi bien pour les institutions, les enseignants et les élèves, en transformant les modalités d’apprentissage, la création de cours ainsi que les modes et modalités d’évaluations des connaissances.
Ces défis majeurs ont été mis en lumière et documentés par les institutions de recherche et les institutions officielles.
La fracture numérique constitue un obstacle majeur à la démocratisation de l’IA en éducation. Selon les données 2021 de l’Insee, 15,4% des personnes de 15 ans ou plus en France se trouvent en situation d’illectronisme : 13,9% n’ont pas utilisé Internet au cours des trois derniers mois et 1,5% l’ont utilisé mais ne possèdent pas les compétences numériques de base. Au total, plus de huit millions de personnes seraient concernées par cette forme d’exclusion numérique.
Cette fracture n’est pas seulement générationnelle mais profondément sociale. L’Insee révèle qu’en 2021, les personnes les plus modestes ont une probabilité d’illectronisme 6,5 fois plus grande que les personnes les plus aisées, contre 4,2 fois en 2019. Les inégalités se sont donc accentuées. De manière encore plus préoccupante pour l’éducation, les non-diplômés sont sept fois plus concernés que les titulaires d’un diplôme de niveau bac+3 ou plus.
Bien que le Baromètre du numérique 2025 indique une progression de la connectivité avec 94% de la population désormais connectée à Internet et 75% des foyers disposant de la fibre optique ou du câble, les disparités d’usage persistent. Selon l’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme, près de 14 millions de personnes peinent encore à utiliser les outils numériques, créant un risque majeur : celui de voir l’IA éducative accentuer les inégalités scolaires plutôt que les réduire.
Le décalage entre l’usage massif de l’IA par les élèves et son adoption par les enseignants constitue un défi majeur. Comme l’a constaté le ministère de l’Éducation nationale en février 2025, alors que la grande majorité des élèves et des étudiants utilisent aujourd’hui l’IA, moins de 20% des professeurs s’en saisissent régulièrement dans leur pratique professionnelle. Selon le Baromètre du numérique 2025, 33% des Français ont déjà utilisé l’intelligence artificielle, avec une adoption particulièrement marquée chez les 18-24 ans (77%).
Face à ce constat, le ministère a déployé plusieurs initiatives. En janvier 2025, une large consultation nationale de la communauté éducative a été lancée sur les règles d’usage de l’IA dans l’éducation. Cette consultation, menée de janvier à mai 2025, a abouti à la publication en juin 2025 d’un cadre d’usage de l’intelligence artificielle en éducation (https://www.ac-paris.fr/l-ia-en-education-cadre-d-usage-132788#:~:text=Le%20Minist%C3%A8re%20de%20l’%C3%89ducation,pratiques%20professionnelles%20et%20les%20apprentissages). Ce document encadre pour la première fois les usages pédagogiques et administratifs des IA génératives dans l’enseignement.
En juillet 2025, deux rapports ont été remis aux ministres Élisabeth Borne et Philippe Baptiste sur l’intelligence artificielle dans l’enseignement scolaire et supérieur. Ces rapports, qui formulent 26 recommandations, appellent notamment à la mise en place d’un plan de formation massif des cadres et de formations en présentiel dans tous les établissements pour initier rapidement tous les enseignants aux enjeux et usages de l’IA en éducation. L’Inspection générale souligne la nécessité de construire un discours national cohérent permettant un déploiement équitable sur l’ensemble du territoire.
La question des biais algorithmiques représente un enjeu éthique majeur pour l’intégration de l’IA en éducation. Les travaux de recherche menés en France, notamment par Télécom Paris en partenariat avec la Fondation Abeona, ont mis en lumière comment les algorithmes peuvent reproduire et amplifier les discriminations présentes dans leurs données d’entraînement.
L’Institut Montaigne, dans son rapport « Algorithmes : contrôle des biais S.V.P. » publié en mars 2020, souligne que les algorithmes peuvent être biaisés de multiples façons. Ces biais peuvent être liés au caractère non représentatif des données d’entraînement ou refléter les biais structurels de la société. Dans le contexte éducatif, cela pose un problème particulièrement sensible : un algorithme d’aide à la décision, comme celui utilisé dans Parcoursup, peut reproduire voire renforcer les discriminations existantes.
Le Défenseur des droits a d’ailleurs souligné en 2019 le manque de transparence des algorithmes locaux utilisés par certains établissements dans le cadre de Parcoursup. La prise en compte de critères apparemment neutres, comme l’établissement d’origine, peut conduire à des pratiques discriminatoires fondées sur le lieu de résidence. Ces systèmes complexes intègrent et rendent invisibles de nombreux biais discriminatoires, constituant souvent de véritables « boîtes noires » pour les personnes concernées.
Le cadre d’usage de l’IA publié par le ministère en juin 2025 reconnaît explicitement ces risques. Il insiste sur la nécessité d’utiliser l’IA « dans le respect d’un cadre éthique et juridique, de manière consciente et raisonnée », tout en rappelant que les outils disponibles actuellement sont majoritairement non souverains, non libres et opaques dans leur fonctionnement. Le cadre souligne également l’impératif de donner aux élèves les clés pour comprendre cette technologie et développer un esprit critique à son égard.
L’usage de l’IA par les élèves et les enseignants impliquent des traitements de données à caractère personnel.
Or, les données à caractère personnel doivent être traitées en conformité avec la règlementation applicable (Règlement (UE) 2016/679 dit « RGPD » et loi n°78-17 du 6 janvier 1978 dite « Loi Informatique et Libertés »), ce qui implique de se doter d’outils tiers ou développé en interne en conformité avec les exigences prévues par ces textes.
La mise en conformité des outils d’IA avec le RGPD peut s’avérer être une mission très complexe. En ce sens, la CNIL a publié des articles pour guider les établissements scolaires afin de leur permettre d’introduire l’IA en conformité avec le RGPD et la Loi Informatique et Libertés : https://www.cnil.fr/fr/deux-faq-utilisation-des-systemes-dia-scolaire ; https://www.cnil.fr/fr/education-mise-en-place-systeme-ia
En conclusion, l’avenir de l’IA dans l’éducation française se dessine progressivement.
La recherche pédagogique française s’empare également du sujet, avec de nombreuses études en cours pour mesurer l’impact réel de ces technologies sur les apprentissages. Les premiers résultats suggèrent que l’IA peut être bénéfique, mais uniquement si elle s’inscrit dans une démarche pédagogique cohérente, pilotée par des enseignants formés.
L’enjeu majeur reste de construire un modèle français d’éducation augmentée par l’IA, qui concilie innovation technologique et valeurs humanistes.
Elle représente un outil puissant, dont le potentiel reste largement à explorer, mais qui nécessite une appropriation réfléchie et progressive. Le défi consiste à accompagner cette transformation en restant fidèle à la mission fondamentale de l’école : former des citoyens éclairés, capables de penser par eux-mêmes et de s’adapter à un monde en constante évolution.